Formaliser ce que nous ressentons et faisons au quotidien
Cher internet,
J’espère que tu vas bien.
Depuis que j’ai lancé ce petit format de newsletter introspective, beaucoup de gens ont la gentillesse de me faire part de leur avis.
La majorité d’entre vous résonne avec mes réflexions et partage les mêmes problématiques.
Ça fait du bien de ne pas se sentir seul.
Plusieurs personnes m’ont également témoigné un certain étonnement, vis-à-vis des questions que je me posais.
Du type :
“Ah ouai, mais tu vas chercher loin quand même..”
“Tu te prends trop la tête, moi je ne pense pas à tout ça”
“Tu as raison, mais perso je ne me suis jamais arrêté pour réfléchir à ça”.
Un jour, alors que j’intervenais à l’université de Strasbourg, une élève m’a dit : "Votre cours est intéressant parce que vous avez théorisé ce que vous faites tous les jours."
Ça m’a interpellé.
First step : how to walk
Théoriser ma pratique, vraiment ?
J’avoue, je ne l’ai pas fait exprès.
Mais en y réfléchissant, c’est aussi un peu ce que je fais ici, je théorise sur ce que je ressens et ce que je vis au quotidien.
Mais théoriser n’est peut-être pas le plus juste. Il s’agit plutôt de verbaliser.
De mettre des mots, des images, des formes à ce que l’on a à l’intérieur.
Alors pourquoi formaliser ses pratiques quotidiennes ? Quel intérêt ? Pourquoi est-ce que je fais ça ?
L’exercice de formaliser ce que l’on fait ou ce que l’on ressent instinctivement est précieux.
Sans se lancer dans la psychanalyse ou de chercher des causes profondes.
Plutôt comme une forme de méditation : être attentif, ressentir, rester à l’écoute, et parfois répondre.
Observer pour identifier, comprendre, puis jouer avec.
C’est une source essentielle pour évoluer.
Identifier les singularités
Quand on prend le temps de théoriser – que ce soit par écrit, dans notre monologue intérieur, ou à l’oral avec un professionnel – on matérialise nos pensées.
Mettre des mots sur notre fonctionnement nous permet de mieux l’analyser et de générer de l’empathie vis-à-vis de nous-mêmes.
Vous avez sûrement déjà ressenti ce monologue interne après une situation tendue ou une conversation difficile : "J’aurais dû dire ça, j’aurais pu faire ça."
Ma réflexion est un peu différente.
J’essaie de me concentrer non pas sur ce que j’aurais dû faire, mais sur ce que j’ai fait ou comment j’ai réagi.
Et ça change complètement la direction de l’analyse.
Regarder à travers le mirroir
Prenons un exemple fictif : une altercation à la sortie d’un bar.
Rien de physique ne se passe, juste des insultes, je repars seulement avec une blessure à l’estime.
Quelques heures plus tard, le monologue interne s’active : "J’aurais pu lui mettre un crochet, le maîtriser, dire une phrase digne d’un film d’action, partir sous le regard admiratif de la foule..."
Bref, vous voyez l’idée.
Le train de des injures roule sur les rails de mon indifférence
Maintenant, une autre approche :
Ok, comment ça s’est vraiment passé ?
J’avais senti venir l’embrouille, mais je n’ai rien fait pour la tuer dans l’œuf.
Mon intuition était juste, j’aurais dû m’écouter.
Quand il m’a insulté, j’ai réagi sur le même ton, laissant la colère prendre le dessus.
J’aurais pu garder mon calme et essayer de le raisonner, ou partir plus tôt.
Plutôt que de ressasser ce que j’aurais pu faire, j’observe ce que j’ai fait.
Le point de départ de la réflexion n’est pas “ce qui aurait pu être fait”, mais ce qui “a été”.
Même histoire, cheminement différent
J’analyse mes réactions pour mieux comprendre mes points de rupture.
C’est valable pour une altercation, mais évidemment aussi et surtout n’importe quelle situation quotidienne (conversation, réunion, présentation, appel etc). Toutes les interactions.
L’étincelle de toutes ces réflexions chez moi, c’est la transmission.
La volonté de transmettre ce que l’on a appris force à formaliser nos pratiques.
Que ce soit à une équipe, à une classe, ou à un enfant, partager notre expérience nécessite de comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait.
La pédagogie doit commencer par une réflexion interne.
C’est un préalable nécessaire.
On doit comprendre et maîtriser notre propre fonctionnement avant de pouvoir le partager.
Théoriser sa pratique, c’est se donner les moyens d’évoluer.
C’est souffler sur nos propres braises, pour allumer un feu.
Aller à sa propre rencontre
C’est tout pour aujourd’hui.
Prenez soin de vous,
++
Robin