#13. Je vous mens depuis le début

J'avoue tout.

Salut internet,

J’espère que tu vas bien.

Aujourd’hui, je voulais te parler d’un sujet un peu délicat, mais qui fait partie de moi depuis longtemps : le mensonge.

Enfin, plutôt ma relation complexe avec le mensonge.

Je me suis récemment posé une question un peu anodine : "Pourquoi appelle-t-on les bateaux-mouches, des bateaux-mouches ?".

Je me suis renseigné, et c’est une histoire de dingue qui implique un canular et un personnage imaginaire. (je vous mets le lien ici pour ce que ça intéresse.)

Mais cette question m’a amené à réfléchir sur ce qui est vrai, ce qui est faux, et surtout sur la manière dont on construit nos récits.

Parfois, la vérité importe moins que la manière dont on la raconte.

Montaigne disait : "Je n’enseigne pas, je raconte", et j’aime bien cette citation.

Elle résume assez bien mon rapport au mensonge.

La nuit je mens (mais à d’autres moments aussi)

Un petit menteur.

J’ai longtemps été un petit menteur.

Rien de grave ou de dangereux, mais j’ai toujours été à l’aise avec les mots, et cette aisance me permettait de raconter des histoires, qu’elles soient vraies ou inventées.

Pendant mon adolescence, puis plus tard pendant mes études, je m’inventais des vies.

C’était un moyen de me façonner une image, de me sentir accepté, de rendre ma vie plus excitante que ce qu’elle n’était.

J’avais différents groupes d’amis, j’ai bougé géographiquement pendant mes études et j’avais donc “plusieurs publics”. À chacun, je présentais une version de moi légèrement différentes, dans l’espoir de mieux être accepté, d’être plus en phase avec eux.

Enchanté

Je ne mentais pas par malveillance, mais un peu pour me protéger. Et je pense qu’à force, je croyais moi-même à mes histoires.

Avec du recul, je me rends compte que cette façon de faire m’a non seulement permis de m’adapter, mais aussi de me sentir plus important, plus intéressant. Ça boostait un peu mon ego, je suppose.

J'ai utilisé cette arme régulièrement, pour me défendre sous couvert d’humour.

Mais aussi pour attaquer et blesser.

J’ai blessé des gens, souvent sans m’en rendre compte, en jouant avec la vérité. À travers des petites phrases, des blagues ou des récits, j’ai fait du mal,

On ne se rend pas compte de la puissance des mots.

J’étais plus bête qu’aujourd’hui bête.

C’est un poids qui est toujours difficile à porter aujourd’hui.

Aujourd’hui, je ne mens plus. J’ai mûri.

Du moins, j’essaie de ne plus le faire.

Je suis plus serein dans ma vie, je n’ai plus ce besoin de m’inventer des histoires.

Mais j’ai toujours un problème …

Bang !

Mentir Raconter

Je ne mens plus, mais je continue de raconter.

Et là où ça devient compliqué, c’est que ma mémoire n’est pas toujours fidèle.

Je me souviens de certains détails, de certaines ambiances, mais pas forcément du déroulement exact d’une scène. Mon esprit retient des petits fragments, souvent sans lien logique, et il reconstruit l’histoire autour de mes émotions du moment.

Du coup, je me retrouve à raconter des histoires, sincèrement convaincu qu’elles sont vraies, alors qu’elles ne le sont pas tout à fait.

Pour mes proches, c’est parfois difficile à gérer. "Robin, j’étais présent, ça ne s’est pas du tout passé comme ça" ou encore "Tu exagères, il n’a jamais dit ça". Je comprends leur frustration, mais de mon côté, je suis persuadé d’être sincère.

”Ensuite le mec est arrivé en moto, l’air déter”

C’est ma version des faits, telle que je m’en souviens.

Ce n’est pas que je cherche à manipuler les faits, c’est juste que ma perception change en fonction de ce que je ressens. Un événement raconté à deux moments différents peut donner lieu à deux versions totalement opposées.

C’est comme si, parfois, mon esprit embellissait les souvenirs, leur donnait des couleurs plus vives, des contours plus nets. Ça les rend plus intéressants à raconter, mais je sais que c’est déroutant pour ceux qui m’écoutent.

C’est pénible pour mes proches, et je m’en excuse.

C’est, j’imagine, divertissant pour mes interlocuteurs.

👉👈

Se protéger avec des récits

Mais est-ce que je suis le seul à faire ça ?

Rassurez-moi… vous aussi non ?

On se raconte tous des histoires, on embellit les choses, on rend certains moments plus significatifs qu’ils ne l’étaient vraiment. C’est comme si on écrivait le roman de notre propre vie, avec des personnages principaux, des intrigues, et des moments d'action.

Avec du recul, je pense que cette déformation de la réalité est plus qu’un simple embellissement : c’est une manière de se protéger.

Raconter des histoires, c’est un peu comme créer une barrière pour filtrer ce que l’on veut partager avec le monde.

C’est noyer le poisson, détourner l’attention, enrobant ce que l’on ressent réellement pour garder une part de mystère, pour éviter d’être trop exposé.

C’est une forme de carapace.

En mettant des mots sur des détails parfois insignifiants, en tissant un récit, on donne du sens à ce qui pourrait paraître banal. On structure notre vécu, on le rend plus cohérent, plus compréhensible. Mais cela implique aussi que notre perception peut être manipulée par nos émotions et nos interprétations sensibles.

Nos souvenirs ne sont parfois qu'une interprétation de la réalité, et c’est quelque chose qu'il faut garder en tête.

— On a vécu le même évènement ensemble, mais on n’en gardera pas le même souvenir. —

Le véritable enjeu, c’est de rester sur ses gardes.

De ne pas prendre tout pour argent comptant, même de la part de soi-même. Savoir questionner sa perception, se rendre compte que nos souvenirs peuvent être modifiés, qu’ils sont le fruit d’une sensibilité à un moment précis.

Cela ne s'applique pas uniquement à soi.

Les personnes en face de nous peuvent nous mentir tout en étant sincères à leurs yeux.

Et c’est là que la vraie complexité apparaît : il faut comprendre que l’interprétation d’une situation peut être multiple et que chacun a sa propre version des faits, celle qui fait sens pour lui.

Mais est-ce que ça veut dire qu’ils mentent ? Pas nécessairement.

Il est essentiel d'engager la conversation, de poser des questions et d’essayer de creuser derrière le récit. Parce qu’au final, l’important n’est pas tant la véracité brute des faits, mais la signification profonde derrière le récit, la posture que la personne adopte.

Quel est le message derrière l’histoire ? Quelle est l’intention ?

”Je n’aurais pas dû mentir sur mon CV”

Petit menteur dans un monde des grandes personnes

Cette capacité à raconter, à adapter un récit, est précieuse.

Elle n’est pas qu’une simple défense ou un mécanisme de protection ; elle devient un véritable outil. Surtout dans le monde professionnel, où savoir construire un univers, une histoire, est essentiel.

Il faut savoir adapter son récit. Construire des univers qui captivent, qui font résonner les autres.

Mettre en forme des concepts, donner vie à des idées, créer des personnages, des actions, et des intrigues qui retiennent l’attention et génèrent de l’engagement.

Être dans l’empathie, dans l’imagination, tout en étant conscient du pouvoir des mots.

Parce qu’ils ne sont jamais neutres.

Les mots façonnent nos interactions, nos relations. Ils peuvent soigner ou blesser, rapprocher ou éloigner.

Il est crucial d’utiliser ce pouvoir avec responsabilité, avec empathie et respect.

En se souvenant que chaque récit a une portée, un impact. Et que derrière chaque histoire se trouve une personne, avec ses émotions, ses doutes, ses vérités et ses mensonges – parfois même involontaires.

go with the flow

Merci de m’avoir lu.

Merci de m’avoir cru ?

Au fait, j’ai lancé une deuxième newsletter, qui parle des processus créatifs, c’est dispo ici :
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Robin

Sensibilité, internet, créativité (sic)

Par Robin MARZIN