Nos voyages immobiles.
Salut internet,
J’espère que tu vas bien.
J’espère aussi que tu as pu profiter de quelques congés, d’une pause ou d’un break pendant l’été.
J’ai toujours été fasciné par ce que font les gens pour se détendre.
Comment ils “utilisent” leur temps libre.
Quelles activités, quels lieux sont synonymes de plaisir.
On vit tous à un rythme effréné, enchaînant les événements marquants. Mais, au-delà de ces moments intenses, il existe un autre monde, plus discret, où l’on trouve des subtilités.
Nos activités professionnelles sont pour la majorité normée, on joue tous au même jeu.
Mais quand vient le moment de la pause, on s’éparpille et chacun regarde dans la direction qui lui convient.
Aujourd’hui, j’ai envie de te parler de ça.
De ces espaces personnels.
De nos hétérotopies.
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Déjà, c’est quoi une hétérotopie :
L’hétérotopie est un concept théorisé par Michel Foucault lors d'une conférence au Cercle d'études architecturales donnée en 1967 (Viney, 2016). Elle désigne la différenciation des espaces, souvent clos ou enclavés, caractérisés par une discontinuité avec ce qui les entoure. Le terme est forgé sur les racines grecques exprimant la différence ou l'altérité (ἕτερος) et le lieu (τόπος), mais aussi sur le mot utopie. Si l'utopie offre un idéal « sans lieu réel » (quoique certaines utopies aient pris forme dans l’espace, comme les phalanstères ou les cités-jardins), l'hétérotopie, elle, correspond à un lieu réel (Lévy et Lussault, 2013).
L’hétérotopie est avant tout un « lieu autre » en lien avec l’imaginaire : Foucault prit l’exemple du cimetière pour clarifier cette notion : le cimetière, lieu des morts par opposition aux lieux des vivants, est le support d’un très fort imaginaire collectif. Monde clos, séparé concrètement du monde des vivants par un mur, mais ouvert par une grille, il possède son propre fonctionnement variant en fonction de temporalités spécifiques (un enterrement, la visite au cimetière lors de la Toussaint chez les chrétiens…) ; ces temporalités peuvent varier en fonction des époques historiques.
De nombreux types de lieux correspondent donc à des hétérotopies : une cabane d’enfant (porteuse d’imaginaire et interdite aux adultes), un théâtre… Mais aussi des lieux de mise à l’écart comme une maison de retraite (l’hospice et l’hôpital étant historiquement un lieu de relégation des malades, séparés du reste de la population).
L'hétérotopie peut résulter de la clôture d'un lieu, et la plupart des exemples d'hétérotopies concernent des lieux dans lesquels on n'entre pas librement, parce que leur accès est contrôlé ou payant : aéroport, discothèque, musée, parc d'attraction, quartier résidentiel fermé.
L'hétérotopie génère des différences de comportements, des écarts à la norme, voire la fabrique de nouvelles normes, un accès à des nouvelles libertés ou le respect de nouvelles règles ou contraintes. Le passage de la voix haute au chuchotement (bibliothèque, musée), ou au cri (discothèque) peut marquer l'entrée dans l'hétérotopie. Elle peut être éphémère, comme lorsqu'un événement public change provisoirement les règles et les normes dans la rue ou dans un espace public.
Tout est une question de perception
J’ai découvert ce concept pendant mes cours de philosophie, et depuis, je suis super attentif aux changements d’atmosphère.
Cette transition douce entre des espaces qui marquent le début d’une autre meta.
Le passage en mode “vacances” est pour moi un changement fort dans ma perception du monde.
Changement d’entourage, de lieux de vie, de rythme, d’air.
Tout est différent, pourtant, dans la continuité de mon quotidien.
Perspectives pleines de sens
Quand je m’assois à la table de la cuisine chez mes grands-parents pour manger un midi.
C’est un voyage dans le temps.
La cuisine n’a pas changé depuis mon enfance.
Mes grands-parents si,
et moi aussi.
Mais des choses ne changent pas.
Je suis toujours leur petit garçon, j’ai toujours mon verre à moutarde préféré et ma serviette.
C’est un marqueur dans ma vie de remise à zéro.
Une vraie PAUSE.
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Je vous souhaite d’identifier vos hétérotopies personnelles.
Ces petits mondes qui n’appartiennent qu’à vous.
Dont vous êtes les seuls à voir la porte, a posséder la clé.
D’en profiter et de les apprécier avec une complicité renouvelée.
Frontière sensible
J’aurais même tendance à détourner l’idée, et à parler d’hétérotovies.
Celles imaginées, celles vécues à travers un rêve, en suivant le personnage principal d’un roman, ou plus simplement en jouant à un jeu vidéo.
Quand j’y pense, grâce à mes jeux, j’ai déjà vécu plusieurs vies parallèles :
Un guerrier egyptien/athénien, un criminel américain, un plombier italien, un constructeur cubique dans un monde infini, un père, un voyageur de l’espace, un directeur de parc d’attraction, un chat, le leader d’une espèce extraterrestre, un pirate, un damné en quête de rédemption, un sorceleur, un chasseur.
Fausse personne vs vrai contexte
Je me suis projeté pendant des heures et des heures dans des mondes, des contextes et des problématiques variées.
À travers ces expériences, j’ai touché du doigt des émotions réelles :
Le deuil, l’espoir, le courage, la peur parfois, la résilience, la bonté, l’émerveillement.
J’ai été amené à faire des choix sous pression, à m’attacher émotionnellement à une cause ou à un personnage. Tout ça sans bouger de chez moi.
Dans mes hétérotovies, mes intentions et mes émotions sont réelles. Il n’y a que la sphère physique qui est simulée.
Sauter de l'autre côté du mirroir
Nous avons tous besoin de mondes imaginaires, de frontières à franchir pour laisser une place plus grande à nos émotions.
C’est, je crois, la clé pour s’évader et se reconnecter à soi-même.
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Trop content de vous retrouver.
Merci d’être là.
Prenez soin de vous 💚
Robin